Comment travailler dans un environnement hostile ?
Collaborer dans l’adversité - le bien-être au travail est politique - des pistes pour réfléchir au monde d'après
Ouf. On a échappé au pire.
Après près d’un mois de peur, de stress et d’anxiété niveau +5000, je suis soulagée de vivre dans une France où le rejet du racisme, de la xénophobie, et la lutte contre l’extrême droite, ont de nouveau été des leviers puissants d’unité et de mobilisation.
🙏🏾 Des millions de mercis.
Un immense merci aux syndicats, aux associations et à la presse de gauche qui ont fait un taff incroyable, avec une forte mobilisation tant sur le terrain que sur les réseaux sociaux ! Un grand merci également à toutes ces boucles WhatsApp de militant·e·s qui ont lancé plein d’initiatives citoyennes. C’était mon baume au cœur pendant la tempête.
Le care est politique
Une mention spéciale à nos amies de chez mūsae, un média indépendant sur la santé mentale, avec qui nous avons coorganisé une pause-déjeuner "safe space" le vendredi 5 juillet.
En tant que médias engagés pour un monde meilleur, il était essentiel de vous offrir cette bulle d’oxygène pour partager des ressources et des bonnes vibes. Merci à toutes les participantes !
N’en déplaise à certains, le care est politique, l’entreprise est politique et le bien-être au travail est un acte politique.
Comme le disait si bien Audre Lorde : “Prendre soin de soi est un moyen de vous préserver dans un monde hostile à votre identité, à votre communauté et à votre mode de vie”.
💡La leçon à retenir ?
Ces législatives restent une masterclass sur la force de frappe du collectif ! Comme l’explique le politiste Frédéric Sawicki dans les colonnes du Monde, la gauche a montré qu’elle avait encore de beaux restes et que sa culture militante n’avait pas disparu.
À propos de militantisme, un terme presque tabou dans le monde corporate, j’ai récemment découvert le concept de “salariat militant”. Un vrai sujet pour les salariés des organisations à impact qui poussent comme des champignons ! Dans le cas de Solidaires, une union syndicale, les employés dénoncent l’absence de délimitation entre travail rémunéré et bénévole, ainsi que l’absence de contrôle des horaires de travail.
Travailler dans l’adversité
Revenons à l’après 7 juillet, date désormais historique ! Pour résumer, le feuilleton politico-dramatique continue avec un Gabriel Attal qui se voit refuser sa demande de démission, et l’ambiance de gueule de bois persiste.
C’est aussi le moment d’affronter la (dure) réalité. La gauche va devoir faire face à ses divisions. Au-delà des désaccords majeurs dont certains ont été réglés après la dissolution (sur l’Ukraine, Gaza et la lutte contre l’antisémitisme), les rapports de force sont loin d’avoir disparus.
Très concrètement, l’heure est aux conversations difficiles et il faut vite apprendre à travailler dans l’adversité.
🧠 Worklife
3 questions à AnnGaïd Plourde…
Pour Test&Work, j’ai trouvé pertinent de faire un parallèle avec le monde du travail.
Pour nous éclairer, AnnGaïd Plourde, facilitatrice en intelligence collective et conduite de projet, partage conseils et astuces pour apprendre à naviguer dans des environnements complexes et collaborer de manière efficiente, même en période de crise… Much needed !
T&W : Quel est votre conseil pour travailler dans un environnement hostile ?
AnnGaïd : J’ai été formée à la “collaboration radicale”, une méthode pour apprendre à collaborer dans des environnements parfois très hostiles. Un des grands principes est d'aborder une posture collaborative avec une négociation centrée sur les intérêts similaires. Un des meilleurs exemples est la réunification des gauches lors des législatives pour continuer de faire société.
Quand il y a des conflits, une des clés est d’identifier des passerelles pour avancer vers un but commun. En gros, comment faire en sorte que l’eau de l’aquarium dans lequel je baigne est confortable pour tout le monde ? Et ce, même sans s’apprécier !
En entreprise, quand c’est déjà très complexe, je recommande de créer un espace avec une personne neutre qui peut tout entendre et qui ne fait pas partie de l’organisation.
Je préconise aussi des cercles d’échanges réservés uniquement aux salariés, sans les managers, car en fonction de la rigidité hiérarchique, je me rends compte que les retours ne sont pas les mêmes. Une parole libre est essentielle pour collecter des feedbacks qui permettent d’alimenter mes propositions.
T&W : Par où commencer, surtout quand on a peu d’expérience ?
AnnGaïd : Dans mes ateliers, je commence toujours par une météo interne. Cela me permet d’avoir des éléments pour poser le cadre de la discussion et mieux accueillir les conversations compliquées.
Parfois, on cherche à aller vers des solutions très innovantes, mais le cercle de parole, bien que le modèle le plus ancien, reste efficace pour mettre toutes les parties prenantes au même niveau.
Dans une situation conflictuelle, il est important de rappeler que chacun·e peut contribuer à la solution à son propre niveau. Je crois profondément en la force du collectif. Très souvent, la solution aux problèmes existe déjà en interne.
T&W : Ce modèle est-il applicable à toutes les organisations ?
AnnGaïd : Contrairement aux idées reçues, cette méthode est applicable dans toutes les structures. Je l’ai testée dans des banques d’affaires, ainsi que dans des secteurs plus traditionnels comme l’automobile et l’immobilier.
Peu importe la nature du conflit qui freine la cohésion d’équipe, il est de la responsabilité managériale de construire des espaces safe où les équipes peuvent exprimer leurs besoins et où des actions concrètes sont mises en place pour avancer ensemble.
J’insiste sur l’importance de créer un cadre de sécurité. Cela signifie ne pas interrompre l’autre, parler avec intention, écouter avec attention et veiller à ce que chaque intervention contribue à faire avancer le groupe. En offrant un environnement où chacun se sent écouté et respecté, on libère le potentiel de l’intelligence collective.
🔥 5 points clés à retenir :
Identifier des passerelles pour avancer vers un but commun
Créer un espace de parole réservé uniquement aux salariés pour faciliter les échanges
Poser un cadre de sécurité où chacun se sent respecté
Parler avec intention, écouter avec attention et veiller à ce que chaque intervention contribue à faire avancer le groupe
🔹 Les ressources d’AnnGaïd :
Art of hosting : un moyen efficace pour faire émerger la capacité d’auto-organisation et la sagesse collective de groupes de toutes tailles.
Token Man, un cabinet de conseil fondé par Daniele Fiandaca pour aider les hommes à devenir de meilleurs alliés.
🚀 Better Workplace
Le monde d’après…
Les moments de crise sont aussi des temps de réflexion sur le modèle de société et d’entreprise que nous voulons construire. Plus que jamais, il est essentiel de se serrer les coudes et de recréer du lien entre le patronat et les salarié·e·s. Le manque de compréhension a été un terreau fertile pour le R-Haine.
Pour mieux comprendre les enjeux actuels, la réflexion des trois économistes Anna Creti, Philippe Delacote et Philippe Quirion sur les principes d’une “économie de la résilience” est particulièrement pertinente. Mélanie Tisserand-Berger, présidente du Centre des jeunes dirigeants, défend un “entrepreneuriat responsable” et invite les patrons d’entreprise à considérer leur responsabilité sociale et environnementale dans la crise politique actuelle.
Je vous ai aussi partagé mon échange avec Chloé Lécrivain, membre du mouvement “Entreprendre c’est politique”, qui a émergé pendant la campagne des législatives pour porter la voix des solopreneurs, encore trop peu représentée dans l’espace politico-économique !
Le chiffre
65%
C’est le pourcentage de start-up qui échouent à cause de conflits au sein de l'équipe fondatrice, selon Sifted.
Alors, comment les cofondateurs peuvent-ils savoir quand leur relation est au point mort, et quelle est la meilleure façon de mettre fin aux choses sans sacrifier la startup ?
Conseil 1 : Arracher rapidement le plâtre lorsque les choses tournent mal dans une relation. “Ce n’est pas une décision facile à prendre, mais l’objectif principal doit toujours être de mettre de côté les égos personnels et de trouver la meilleure solution pour l’entreprise”, conseille Johannes Roggendorf, CEO de Medwing, une plateforme RH spécialisée dans la santé.
Conseil 2 : Éviter de laisser place au ressentiment. Laisser le mécontentement s’installer peut souvent avoir des conséquences pires que d’avoir une conversation difficile. “Cela détruit les équipes et finit par être la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Il vaut donc mieux être très honnête les uns envers les autres”, estime Bobby Abdullah, cofondateur de la fintech Lobster Money, qui a traversé plusieurs ruptures d’associés.
Pick & Choose
L’incertitude est rarement bonne pour les affaires - Du côté de la start-up nation, les inquiétudes restent vives et l'organisation de la nouvelle gauche ne fait pas vraiment l’unanimité.. “Si l’on sait que les conditions de financement, la réglementation, la fiscalité ou les politiques d’immigration peuvent changer rapidement, cela crée de l’incertitude”, explique Antoine Lévy, professeur adjoint à l'Université de Californie à Berkeley à Sifted. Et d’ajouter “Il est difficile d’intégrer ce facteur dans un modèle d’investissement et cela freine inévitablement certaines décisions d’investissement”.
Le racisme n’a pas sa place au travail. Pour Welcome To the Jungle, Queen Marie Dasylva comme une montée de l’extrême droite a un impact direct sur l’explosion des discrimination au travail. Dans une tribune au Monde, Anne Cordier explique comment l’entreprise peut protéger les salariés du racisme ordinaire. Dans cette enquête de 20 Minutes, on apprend (sans surprise) que les discriminations à l'embauche commencent dès la recherche d’une alternance.
Un coup de pouce pour booster l’employabilité des seniors - Avec ce projet, France Travail a pour ambition de regrouper les demandeurs d’emploi dans des entreprises fictives pendant six semaines. L’objectif est que chaque participant·se retrouve à terme une solution professionnelle durable : CDI, CDD de plus de six mois… Good luck !
Mieux communiquer en asynchrone - Nous avons tous·tes ce collègue qui envoie des messages assez secs sur Slack ou Teams. Pour dénouer la situation, pourquoi ne pas en discuter ? Ajouter des émojis pourrait aussi être un bon début, selon le New York Times. Profitez de l’été pour proposer de prendre un café en terrasse et se parler IRL est aussi une excellente piste ! Le café en terrasse, un outil de management sous-côté (selon moi!).
😍 Check it out!
Vendredi dernier, j’ai participé au Freelance Day organisé par Trait d’Union, une plateforme de mise en relation pour freelances. J’ai parlé de santé mentale. On ne rigole pas avec ça ! J’ai également abordé des thèmes essentiels comme l’inclusion, ainsi que la gestion des finances pour les indépendants.
💸 L’occasion de rappeler, qu’en 2024, la visibilité n’est toujours pas une rémunération acceptable pour les freelances ! Pour revoir ça, c’est par ici. Je commence à partir de la 35ème minute.
🔷 Last but not least
Pour profiter de l’été, j’ai basculé sur un rythme de publication bi-mensuelle. Notre prochain rendez-vous est donc fixé au 23 juillet avec une chouette sélection des livres d’été pour réfléchir à une société plus juste, plus inclusive.
Pour ceux et celles qui restent au front, je reste aussi très active sur LinkedIn. Pour les chanceux·ses qui ont déjà les pieds en éventail au bord de la mer, de la rivière ou du lac, je vous souhaite des moments reposants et revitalisants. You deserve it !
De mon côté je profite de cette période pour alléger ma charge de travail tout en peaufinant la nouvelle formule pour la rentrée : une édition plus concise, plus facile à lire avec un design plus dynamique. J’espère que toutes ces améliorations vous plairont. Des millions de mercis à vous de prendre le temps de me lire et de partager des mots doux régulièrement !
It means a lot 💜