Entreprendre, c’est politique ?
Interview Chloé Lécrivain - Les initiatives positives - Apprendre à mieux dialoguer
À J-2 des législatives, je vous propose un échange avec Chloé Lécrivain, solopreneure et membre du mouvement "Entreprendre c’est politique", lancé par Thomas Burbidge, coach business pour les freelances. En moins d’une semaine, plus de 700 entrepreneur·es ont rejoint le mouvement.
Pour la petite histoire, j’ai rencontré Chloé grâce à la newsletter et aux réseaux sociaux ! Une chouette nana, multicasquette, hyper inspirante.
Petite bio rapide :
Freelance, elle aide les entrepreneur·es engagé·es à structurer leur activité.
Fondatrice de la communauté Les Collectives qui réunit des entrepreneur·es souhaitant faire du business autrement, c'est-à-dire "gagner de l'argent tout en ayant des valeurs progressistes, sociétales et environnementales". Ce projet naît de la solitude ressentie lors de son aventure entrepreneuriale.
Cheffe cuistot pour des évènements et des mariages. Pour découvrir son travail, c’est par ici.
Pour Test&Work, l’activiste revient sur la genèse du mouvement et de l'impact de la montée de l’extrême droite sur les indépendant·es, une catégorie encore trop peu représentée dans le débat public.
3 questions à Chloé Lécrivain
T&W - Raconte-nous la Genèse du mouvement “Entreprendre c’est politique” ?
Chloé Lécrivain (CL) : Beaucoup d’entrepreneur·e·s qui ont rejoint le mouvement étaient déjà assez engagé·e·s dans leur activité. Donc au lendemain des européennes, nous avons tous et toutes ressenti ce sentiment d’urgence qui pousse à changer d’échelle !
Les grands groupes patronaux comme le Medef savent faire entendre leur voix. Mais nous, les solopreneurs, nous avons peu de poids politique. On ne pouvait pas rester dans notre coin avec des actions timides, c’est là que nous avons décidé de nous regrouper pour encourager les gens à faire front contre le RN.
Notre action porte sur trois volets : s’éduquer, se retrouver en rejoignant des collectifs, et partager notre positionnement de manière claire et honnête ! Pour nous, le contexte politique actuel est aussi l’occasion de réaffirmer nos valeurs pour un entrepreneuriat plus juste.”
T&W - Oui mais en même temps, le patronat reste assez silencieux. Qu’est-ce que ça dit de nos dirigeants économiques ?
CL - Comme le dit très bien Audre Lorde, c’est dans les moments de crise qu’on voit ce qui existe vraiment dans la société. Aujourd’hui, la plupart des membres du mouvement ‘Entreprendre est politique’ sont des solopreneurs.
Les personnes qui ont le pouvoir économique restent en majorité des hommes blancs cis qui ont l’habitude de jouer le jeu de la ‘pseudo-neutralité’. Quel est leur intérêt de se positionner quand, dans les faits, ils sont souvent aux abonnés absents quand il faut porter des actions pour s’éloigner d’un monde du travail basé sur l’exploitation des plus faibles, des femmes et des personnes minorisées ?
Au-delà de ces aspects systémiques, les grands groupes ont beaucoup d’intermédiaires qu’il faut éviter de froisser : les actionnaires, les investisseurs, les fournisseurs, etc. De ce fait, cela laisse peu de marge de manœuvre pour se positionner ! Nos enjeux ne sont pas les mêmes.
T&W - Vous travaillez avec beaucoup d’entrepreneurs engagés, quel est leur ressenti en ce moment ?
CL - Beaucoup d’entrepreneurs qui ont des activités féministes, queer et décoloniales sont inquiet·e·s. J’ai même entendu des entrepreneur·e·s qui pensent à se reconvertir, à changer de trajectoire ou même à fermer leur boîte si le RN venait à passer.
Pas besoin de faire l’ENA pour comprendre que le modèle économique du RN n’est pas viable. L’inquiétude est exacerbée par de grandes zones d’ombre sur des points essentiels comme l’éducation, le congé maternité et le congé maladie des femmes entrepreneures.
La baisse de l’assurance chômage est un fiasco pour l’entrepreneuriat, surtout quand on sait que France Travail reste le premier business angel de France. Sans compter les discriminations des personnes racisées et LGBTQIA+ qui vont s’exacerber dans les entreprises. Dernier exemple en date : le projet de loi bancal sur l’avenir des binationaux, c’est sûr qu’il y a de quoi être inquiet·e !
En bonus
J’ai aussi demandé à Chloé de se projeter sur l’après 7 juillet. Pour faire front, elle se concentre sur le concept de “prendre soin”.
Cette approche vise à protéger les personnes les moins privilégiées face à l’émergence du RN. L’idée est de s’organiser pour construire une société et un monde du travail justes et inclusifs. À travers son engagement avec Les Collectives, elle défend un entrepreneuriat moderne et alternatif, basé sur la coopération et l’entraide, s’inspirant des réflexions d’activistes tels que :
Adrienne Maree Brown, autrice de Holding Change: The Way of Emergent Strategy Facilitation and Mediation - non traduit en français.
Comment s’organiser ? Manuel pour l'action collective de Starhawk, une écrivaine et militante écoféministe.
Joie militante : construire des luttes en prise avec leurs mondes de Carla Bergman, activiste canadienne et Nick Montgomery, chercheur, auteur engagé sur les alternatives au pouvoir.
Les initiatives positives
L’arrivée de l’été est le moment idéal pour créer du lien. De mon côté, j’ai pris le temps de rencontrer des paires, de partager des dèjs, des cafés latte et/ou des Iced Matcha latte avec des personnes formidables qui nourrissent mon âme.
Après avoir participé aux Assises de la Parité en début de semaine, j'ai choisi de m'orienter vers des activités plus légères :
Une bonne dose d’humour - C’est le pari de la soirée Clash, un débat animé par des acteurs ayant des points de vue différents sur le futur du travail, organisé dans les locaux du Medef par LumApps, une plateforme intranet d'entreprise. Dans le contexte actuel, mettre de la légèreté dans les sujets complexes est un cocktail gagnant.
Safe space - J’ai passé une tête à la réunion mensuelle avec les amis du Next Level, un collectif engagé contre les discriminations. La communauté Whatsapp a été un vrai baume pour mon moral dans ce contexte hyper complexe ! S'appuyer sur la force du collectif, c’est essentiel. Pour suivre leur travail, c’est par ici.
Apprendre à dialoguer - C’est la proposition de l’atelier Dialogue, organisé par Sophie Truchot-Barret, experte DE&I (fondatrice de La Fusée), et Marianne Ralu, formatrice et médiatrice de conflit. Je suis repartie avec plein d’outils applicables pour apprendre à faire évoluer le débat vers le haut, sans s’énerver et tout en respectant l’autre. Adieu les débats houleux ! Envie de participer ? Rendez-vous le 28 juin.
Dans un épisode précédent, j’avais déjà partagé ce mémo très utile pour apprendre à aborder les sujets complexes :
💡Débat :
Objectif de gagner et de prouver sa propre position
Risque élevé de conflits
💡 Discussion :
Orientée vers la conclusion d'un accord ou d'une solution.
Minimisation des conflits, mais peut avoir des similitudes avec le débat.
💡Dialogue :
Centré sur l'empathie, la curiosité, l'humilité et l'engagement.
Aucun objectif spécifique au-delà de la compréhension accrue
Impossible sans la volonté des parties prenantes de partager et d'écouter.
Pick & Choose
Les Echos - La majorité des citoyennes françaises se sont abstenues aux élections européennes, pourtant, leurs droits sont menacés par la montée des groupes identitaires. Sous l'impulsion d'Elisabeth Moreno, Marie Eloy et Alexia Reiss, 129 réseaux féminins et entrepreneures les appellent à aller voter pour réclamer une société plus égalitaire. Rendez-vous dans les bureaux de vote les 30 juin et 7 juillet.
Le Monde - La crise a beau être politique, les chefs d’entreprise font face à de nombreux questionnements, en public ou en privé. Depuis le choc politique du 9 juin, de plus en plus de chefs d’entreprise disent – en coulisse mais aussi en public – qu'ils préfèrent un possible gouvernement Rassemblement National à une coalition de gauche au pouvoir. Ouch.
Les Echos - Comment les micro-agressions sapent le bien-être au travail ? Remarques sibyllines, prétendues plaisanteries ou comportements d'apparence anodine… Les situations stigmatisantes et dénigrantes, légion en entreprise, font le terreau de discriminations qui s'inscrivent dans un continuum d'attitudes hostiles.
Vu sur les réseaux sociaux
“Oubliez cette idée de bien-être au travail.” Choquée.
Le bien-être au travail n’est pas une fantaisie "wokiste". D'après un rapport d'Empreinte Humaine, 38 % des salariés sont en “détresse psychologique”, avec une augmentation de 25 % des cas de “burn-out sévère” par rapport à mai 2021.
J’ai toujours du mal à croire qu’en 2024, certaines personnes pensent encore que réussir au travail signifie souffrir et se nier soi-même. Dans cet article, Les Echos Start ont analysé les motivations des jeunes cadres qui acceptent de souffrir pour réussir. À chacun sa définition de la réussite. Pour ma part, je le répète encore et encore : aucune carrière ne mérite votre santé mentale. Travailler oui, se tuer non !
D’ici là, prenez bien soin de vous. On se retrouve en juillet avec un rythme estival bimensuel. De mon côté, je ne suis pas en vacances. Je continue de travailler sur la formule pour la rentrée, avec plein de nouveautés, tant sur l’organisation que sur l’édito.
Comme toujours, je vous tiendrai informé·e·s en toute transparence quand tout sera prêt. Pour m’aider, vous pouvez par exemple partager la newsletter avec vos proches et les inviter à s’abonner.