La force des diasporas pour l’économie : le cas Aya Nakamura
Anne Hidalgo, les diasporas, une force pour les entreprises et 3 choses que je partage.
Dans cette édition très spontanée, j’ai abandonné la thématique à l’ordre du jour de mon planning éditorial pour suivre mes envies profondes et écrire sur ce qui me tracasse, me frustre, et anime mes conversations. Et sans doute les vôtres aussi 😂
Question à 1000 points. Faut-il aimer la musique d’Aya Nakamura pour reconnaître que la vague de haine qu’elle subit est immonde ?
Non. Fin du débat.
Une chose est sûre, en 2024, le monde entier a découvert que nous baignons - encore - dans une France gangrenée par des polémiques xénophobes, sexistes, racistes, nauséabondes et répugnantes !
Unis contre la bêtise
Heureusement qu’il existe encore des têtes bien faites, pour revenir à la raison et dénoncer la bêtise humaine. Des voix françaises et internationales se sont élevées pour condamner ce torrent d’insultes racistes. Par exemple, dans cette récente tribune, Elisabeth Moreno, présidente de la Fondation Femmes@numérique, ancienne ministre déléguée à l'égalité femmes-hommes et 69 cosignataires s’insurgent contre le racisme dont la chanteuse est victime et défendent sa présence à la cérémonie d’ouverture de Paris 2024.
Quel est le rapport avec le monde du travail ?
En devenant virale, cette polémique a entraîné pas mal de débats dans les discussions entre amis, collègues ou encore dans les groupes Whatsapp, etc. J’ai d’ailleurs une pensée émue pour ceux et celles qui se sont retrouvés enrôlés dans des discussions rocambolesques en étant à la machine à café ou à la cantine avec leurs collègues.
L’expérience prouve que… Ce type de conversation en milieu professionnel peut être assez hostile et prend parfois des tournures assez lunaires, surtout quand des personnes incompétentes s’inventent une expertise bancale et douteuse.
Les leçons à en tirer ?
Cette vague de haine gratuite et infondée en dit long sur notre société, et particulièrement sur la représentation de la France et son rapport à l’assimilation. Je me demande : à quel moment devient-on assez française pour représenter le pays des Lumières ?
Pas digne, même en étant l’artiste féminine française la plus écoutée dans le monde, avec 7 milliards de streams.
Pas digne de représenter la France parce qu’elle n'a obtenu ses papiers français que depuis le 2 mai 2021, peut-on lire chez Slate qui rappelle en quoi une reprise de Piaf est un symbole fort.
En 2020, j’avais déjà écrit sur la complexité du personnage d’Aya Nakamura. Malgré un parcours qui force le respect, sur les réseaux sociaux, elle est constamment attaquée sur son physique et n’échappe pas à la “misogynoir”, un concept sociologique inventé par l’universitaire afro-américaine Moya Bailey. En termes de solution, la meilleure façon d'enrayer la “misogynoir” serait d'assurer une meilleure représentation des femmes noires dans les médias, l'industrie du divertissement et dans les postes de pouvoir. Cet article de Radio-Canada donne pas mal de ressources pour aller plus loin.
La force des diasporas
Quant à l’assimilation, je regrette souvent qu’elle soit confondue avec l’intégration. Cette nuance fait écho aux nombreux échanges auxquels j’ai assisté hier lors de la journée de tables rondes, consacrée aux “Diasporas, diplomatie des villes : Défis et Opportunités” qui a eu lieu au Théâtre de la Ville de Paris.
Aujourd’hui, l’un des grands challenges est de savoir comment utiliser les diasporas comme moteur de l’économie ? Comment exploiter la richesse des talents ayant une double culture ? Comment en faire un atout, surtout quand on sait que la différence est un terreau fertile pour l’innovation…
Je ne suis pas très fan des discours politiques, mais j’ai trouvé pertinente l’intervention d’Anne Hidalgo, la maire de Paris, présente en fin de journée. “Si on vous impose de ne pas être fiers de vos origines, alors, on ne peut rien construire non plus”, assure-t-elle.
Assumer sa singularité
Nier ses origines pour se faire une place dans le monde du travail est loin d’être un cas isolé. Cela m’a d’ailleurs rappelé une étude britannique qui dénonce le mythe de la méritocratie. C’est aussi le moment où j’ai découvert le “whiten”, un terme pour expliquer l’ajustement d’identité des femmes racisées pour se rapprocher de la blanchité et répondre aux attentes du monde du travail.
Selon le rapport :
plus de 61 % de femmes racisées déclarent qu’elles ajustent leur identité pour s'intégrer aux attentes du monde du travail, que ce soit par le langage ou les mots qu'elles utilisent (37 %).
Et pour éviter toute discrimination de la part des recruteurs, 22 % des femmes de couleur changent également de nom et optent pour des versions “plus faciles” à prononcer ou moins connotées.
Le cas Aya Nakamura m’a aussi replongé dans une ancienne conversation que j’avais eue avec Carmen Diop, psychologue du travail et sociologue. Elle étudie les trajectoires de femmes noires dans le monde du travail et explore la complexité des dimensions cachées de leur expérience sociale. “Le racisme empêche les personnes noires de faire les carrières qu’elles devraient faire”, indique-t-elle. Vous pouvez aussi relire l’article que j’ai réalisé dans une autre vie chez Les Echos START : Les difficultés d’être une personne noire en entreprise.
Pendant le Black History Month, en février dernier, j’ai aussi fait un numéro sur la réalité des femmes noires dans le monde du travail. Vous y trouverez aussi mes recommandations pour créer des environnements inclusifs.
Oui, je traite beaucoup ces problématiques, et ce depuis plusieurs années. Mais je reste profondément convaincue qu’il est important d’arrêter de silencier ces expériences. Et j’en parlerai tant qu’il y aura des inégalités !
🟣 Et pour agir
Voici quelques pistes pour ceux et celles qui veulent faire partie de la solution.
Plus que jamais, on a besoin d'alliés capables de taper du poing sur la table quand les minorités subissent des injustices. Il vaut mieux tard que jamais, mais le soutien général est arrivé un peu tard (selon moi !). Ce qui est en train de se passer, ce n’est pas uniquement une polémique autour d’une artiste dont on n’aime pas le genre musical.
Appliquer la tolérance zéro et s’assurer de respecter la loi. En cas de discrimination, rappelez-vous que vous pouvez vous rapprocher de nombreuses organisations comme le défenseur des droits, SOS Racisme. Dans le cas Aya Nakamura, une enquête a été ouverte mais cela fait combien de temps qu’on rappelle que cette artiste n’a jamais été traitée à sa juste valeur !
Vous êtes manager, et vous n’avez jamais été formé pour gérer ce type de situation. Étouffer l’affaire n’est jamais une bonne idée. La meilleure option est d’ouvrir la discussion, de se rapprocher de vos RH, du service DEI s’il en existe un. Et vous rapprocher de structures comme l’AFMD (Association française des managers de la diversité), d’experts en inclusion pour désamorcer le problème.
🟣 Ce que je partage :
Aya Nakamura, the pop superstar at the centre of a Paris Olympic racism storm - The Guardian rappelle que toutes les femmes noires qui prennent un peu trop de la place dans l’espace public français subissent de grosses vagues de racisme : Christiane Taubira, Rachel Keke, ou encore Rokhaya Diallo.
L’épisode “Femmes noires et flamboyantes” du podcast “Un podcast à soi” d’Arte Radio :
“Le Triangle et l'Hexagone” de Maboula Soumahoro, Maîtresse de conférences en civilisation américaine à l'université de Tours. Cet essai m’a fait beaucoup de bien dans mes réflexions sur le mot diaspora que je me suis appropriée tardivement.
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