Les femmes quittent la tech à l’âge de 35 ans, comment les retenir ?
États des lieux de la situation, des conseils, de la data et des pistes pour féminiser cette industrie.
À J-3 de la Journée internationale des droits de la femme, commençons par célébrer de bonnes nouvelles ! Le lundi 4 mars, les députés et sénateurs réunis en Congrès ont voté en faveur de l'inscription du droit à l'interruption volontaire de grossesse dans la Constitution. Le texte a recueilli 780 voix pour et 72 contre.
🔥 Féminiser les postes clés
Revenons à la tech ! J'aimerais rester sur cet élan de positivité, mais la réalité des femmes de ce secteur est beaucoup moins joyeuse.
Cela fait des années qu'on répète (rabâche !) qu'il faut féminiser les métiers de la tech, promouvoir plus de femmes dans les rôles de C-levels, encourager les jeunes filles à s'orienter vers les STEM (science, technologie, ingénierie et mathématiques pour les non-initiés), plus d’investisseuses dans les fonds... Résultats des courses : plusieurs études montrent qu’on régresse !
Plus de la moitié des femmes quittent la tech à 35 ans, soit 8 ans après le début de leur carrière. Et 43 % des femmes de la tech envisagent de quitter leur poste au moins une fois par semaine, selon Fawcett Society’s report. Ça en dit long !
🚀 Créer des safe spaces
Face à ce sombre tableau, il devient plus qu'urgent de construire des environnements de travail favorables aux femmes, et à toutes les femmes. Cela implique d’adopter une approche intersectionnelle.
Aujourd'hui, moins d'un tiers des effectifs de ce secteur sont des femmes, dont seulement 16 % dans les métiers techniques et 22 % aux postes de direction, selon le dernier rapport du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes sur l'invisibilité des femmes dans le numérique.
Nul doute que cette sous-représentation entraîne une over-masculinisation qui ne donne pas envie de rester et/ou de rejoindre cette industrie. D'ailleurs, même les plus courageuses finissent par déchanter.
🟣 Numbers don’t lie
Si vous pensez que j’ai cassé l’ambiance, ce n’est pas fini :
72 % des femmes exerçant des fonctions dans la tech ont déjà subi au moins une forme de sexisme au travail. Il s'agit par exemple du fait d'être moins bien payées que leurs collègues masculins, des plaisanteries sexistes (22 %) et de la remise en question de leurs compétences et aptitudes (20 %), selon Fawcett Society’s report.
Des problématiques d'égalité salariale avec un écart de revenus moyen de 19% dans les rémunérations entre hommes et femmes en Europe dans la tech contre 15,8% tous secteurs confondus, selon le Gender Equality Figures de 50 In Tech.
Plus d'un quart des femmes dans les STEM pensent que les comportements sexistes sont plus fréquents dans la tech que dans d'autres types de travail.
Faibles possibilités d'évolution de carrière : près de 35% des employées dans le secteur sont bloquées à leur niveau, sans perspective de grimper dans les échelons.
Les femmes noires et issues de minorités ont connu des niveaux d'exclusion supplémentaires, près de trois sur quatre ayant été victimes de racisme au travail.
1 femme noire sur 3 a été considérée par ses collègues comme n'ayant pas de rôle technique.
💪 Pionnière
Lorsque l'on fait le bilan, malgré toutes les bonnes intentions et les grandes promesses des “techies” de construire un monde meilleur avec des voitures volantes, le secteur reproduit les mêmes travers que les industries traditionnelles.
À titre d'exemple, il a fallu attendre l'année 2023 pour voir la première femme à la tête d'une scale-up du Next 40, l'indice regroupant les 40 sociétés les plus performantes de la French Tech. Pour annoncer cette nomination, Le Figaro a titré : "Éléonore Crespo, la femme pressée, première dirigeante du Next 40". Rires jaunes.
Une “femme pressée”, car en plus d’être la première directrice générale d’une start-up française à intégrer le Next 40, Éléonore Crespo est aussi la première cofondatrice et dirigeante à avoir levé aussi rapidement autant de fonds - près de 400 millions de dollars depuis sa création - pour sa société Pigment, un éditeur d'une solution de planification financière, lancé en 2019.
Rien ne l’arrête, en avril 2024, elle rejoint le club fermé des Licornes avec une levée de 145 millions en Série D Pour en savoir davantage sur cette ingénieure passée par Google et Index Ventures, c’est par ici.
Meilleure répartition des parts du gâteau
Au-delà de cette success story exceptionnelle, la réalité des entrepreneures dans la tech est bien plus ardue. En France, Allemagne, Espagne, Royaume-Uni et Suède, seulement 10 % des jeunes pousses tech créées en 2022 l'ont été par des équipes exclusivement féminines, et 12 % par des équipes mixtes. C’est ce que révèle le dernier baromètre SISTA x BCG qui se concentre sur la parité des start-up à l'échelle européenne.
Cette même étude met également en lumière des disparités dans le financement des start-up lancées par des fondatrices. Et pour cause : les équipes exclusivement féminines concentrent uniquement 7 % des levées de fonds, et 2 % des financements. Quand on sait que l’argent reste le nerf de la guerre. Yiiiirrr !
Il est aussi essentiel d'arrêter de donner des miettes aux entrepreneures. Celles qui réussissent à boucler un tour de table sont également exclues des grandes opérations de collecte de fonds. Au total : 94 % de leurs levées sont inférieures à 15 millions d'euros, et seulement 2 opérations sont supérieures à 50 millions d'euros (contre 215 pour les hommes en 2022) sur le périmètre étudié. Bim !
💜 Sisterhood
C’est un euphémisme de dire que la Tech doit faire mieux et travailler sur une réelle inclusion des femmes et des minorités si nous voulons répondre à la pénurie de talents du secteur. C’est d’ailleurs pour cette raison que Caroline Ramade, la fondatrice de 50 In Tech, une socialtech spécialisée dans la féminisation de la tech, a décidé d’arrêter de “parler dans des salles avec des femmes qui sont déjà convaincues”.
Pour passer à l’offensive, elle a choisi d’investir l’espace public en lançant le mouvement #NoWomenNoTech, une marche en partenariat avec Ada Tech School Curiosity Club, Comète, Social Builder, Tech.Rocks et Ironhack. Pour ceux et celles qui veulent participer : rendez-vous le jeudi 7 mars à 12h au Canal Saint-Martin, en face de La Poste située au 21 rue Leon Jouaux, à l'angle du quai de Valmy. Pour participer.
3 questions à Caroline Ramade
Quel est l’objectif de cette initiative ?
Caroline : “Quand on parle d’égalité dans la tech, vu l’urgence de la situation, on est au stade où il faut qu’on arrête de parler à des convaincues ! Je crois en la force du “butterfly effect”. Avec tous les algorithmes, la démocratisation de ChatGPT, la tech est déjà dans notre quotidien, dont il faut rendre ce sujet visible dans les espaces publics”
Quel est votre message pour les entreprises ?
Caroline : “Il faut arrêter avec la marque employeur, le “feminism washing” et la “diversity washing” et mesurer !
Je lance aussi un appel aux hommes qui sont des collègues, des alliés. Ils ont une vraie carte à jouer pour nous aider à avancer. Je les invite à se mettre dans les bottes de leurs filles pour créer des groupes et des actions pour ringardiser les haters et montrer la voie. La parité est un sujet collectif.
Enfin, aux femmes, je leur conseille de bien benchmarker les boîtes avant de les rejoindre. Soyez exigeantes sur les politiques d’inclusion pour ne pas vous retrouver dans des environnements toxiques !”
Quels sont les leviers efficaces pour féminiser la tech ?
Caroline : Cela passe par la culture des entreprises, promouvoir les femmes, une meilleure insertion des profils en reconversion qui galèrent encore pas mal, et soigner l’expérience des femmes dans les STEM.
Sur certains métiers en tension, il faut “junioriser”, accompagner la montée en compétences, et élargir le pipe en passant, par exemple, par l’internationalisation des profils.
Aujourd’hui, c’est de la responsabilité des entreprises de mettre le paquet pour convaincre qu’elles seront bien reçues et bien traitées. Tant qu’on restera sur les actions timides, on va continuer de régresser. C’est fini les progressions de 2 à 3 %.
On a besoin d’une bonne vague de 30 à 40 % pour inspirer les femmes. D’autant que les solutions existent : une étude McKinsey en 4 piliers a montré qu’il serait possible d'atteindre 3,9 millions de femmes supplémentaires en Europe dans les postes technologiques d'ici 2027. Donc allons-y !
Les recommandations de l’étude McKinsey pour atteindre 45% de femme dans la tech
Reframe : Changer le cadre au travail : permettre aux femmes dans la Tech de s'y épanouir (+500 000 à 1 million de femmes)
Retain : Fidéliser en donnant aux femmes une raison de rester dans les domaines technologiques (environ +400 000)
Redeploy : Veiller à ce que les femmes occupent des postes qui comptent (+530 000 à 1,8 million).
Ramp up : Action forte : Lutter contre l'abandon des étudiantes dans les STEM (environ +230 000 à 700 000)
Ce que je partage
Est-ce la faute des femmes si elles sont peu présentes dans la tech ? En tant qu’entrepreneure et CEO de Trustt, Nadia Gabriel revient sur cette réalité, celle de se sentir comme une “espèce rare” dans un univers hyper masculin.
Féminisation des postes de la tech : les femmes sont sous-représentées... et changent aussi rapidement de secteur. La rétention des talents féminins est devenue un sujet à part entière.
Sommet Women In Tech : son ambition de donner les moyens à 5 millions de femmes et de filles de s'impliquer dans les STIM d'ici 2030.
Offres d’emploi à impact
Apprenti.e Projets RH – Diversité et Inclusion, - Deloitte - Alternance
Chargé(e) de Conseils RH - QVT/Diversité - F/H - RTE - Alternance
Chargé de mission Talent Management, Diversité, Société Générale - Alternance.
Chef de Projet Diversité et Inclusion - Publicis - Stage
*Attention, ces offres sont pertinentes, mais je ne peux absolument pas garantir que ces entreprises soient 100% inclusives.
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Merci pour cette édition hyper enrichissante. Très bonne idée de partager également des offres d'emploi à la fin ;)