Le mardi 28 novembre, j'étais au 3ème Sommet de l'Inclusion de Mozaïk RH au ministère de l'Économie à Bercy. Tous les acteurs de l'économie se sont donné rendez-vous pour parler de la justice pour tous, le thème de cette année.
J’ai animé une table ronde intitulée Entrepreneuriat et achats inclusifs, avec Soumiya Brandon, cofondatrice d'URBAN ACT et Reveal RH, Majid El Jarroudi, délégué général de l'ADIVE, Shirley Billot, fondatrice de Kadalys, Jean Bergouignan, directeur de l'activité chez Groupe Vicat, Enoch Effah, boxeur, sportif et entrepreneur à impact.
📹 Pour visualiser l’intégralité de l’échange, c’est par ici.
Le même jour, j’ai lu le dernier rapport de l’Observatoire des inégalités qui m’a déprimé. Same number, nothing changes! De nature plutôt très optimiste, bien que je sois habituée à analyser des études, il est parfois très frustrant, voire décourageant, de lire les mêmes chiffres, les mêmes constats et d’aboutir aux mêmes résultats. Un discours de sourd 🙃
🟣 Que disent les chiffres ?
Aujourd’hui, en France, une personne sur cinq âgée de 18 à 49 ans estime avoir été discriminée au cours des cinq dernières années. C’est le constat de l’INED et l’Insee, relayé dans le rapport de l’Observatoire des inégalités, publié mardi 28 novembre.
22 % chez les femmes
26 % chez les immigrés
28 % pour les descendants d’immigrés
32 % chez les personnes natives d’outre-mer
Parmi les personnes ayant un emploi, 43 % disent avoir été témoins de discriminations, selon une enquête de la Défenseure des droits, Claire Hédon.
Sujet complexe et clivant !
Autre constat plus frustrant mentionné dans le rapport, l’origine est, de loin, le facteur le plus déterminant. Sauf que dans le début public, c'est aussi le plus clivant et le moins abordé, car il est dérangeant et complexe !
À mes heures perdues, je passe beaucoup trop de temps sur les réseaux sociaux. Et parfois, je lis des commentaires qui en disent long sur le climat social. J’ai toujours du mal à comprendre quand on demande aux personnes concernées d'arrêter, je cite, "les discours victimaires". Loin d’être un cas isolé, ce propos est dangereux et favorise la culture du silence.
À titre de comparaison, selon une étude américaine, 78 % des professionnels noirs ont déclaré avoir été victimes de discrimination. Pourtant, 38 % estimaient qu'il n'est jamais acceptable de parler de leurs expériences au sein de leur entreprise, de peur d’être vus comme des “agitateurs”.
N'en déplaise à certains, la réalité est que, à caractéristiques équivalentes (âge, niveau de diplôme, catégorie socioprofessionnelle, etc.), ceux qui se distinguent par leur origine africaine ont davantage de risques d'être au chômage, par exemple.
Lorsqu'ils postulent à une offre d'emploi, un tiers des candidats au nom à consonance française sont rappelés par les recruteurs, contre un peu plus d'un cinquième des candidats ayant un nom à consonance maghrébine, selon une opération de "testing" réalisée sous la responsabilité du ministère du Travail en 2021. D’ailleurs, le gouvernement a prévu de relancer cette action. Je vous en parle ici.
Que du blabla ?
Dans ce même article du Monde, Fanny Picard, présidente du fonds d’investissement Alter Equity, partage une analyse très éclairante et pertinente. Au-delà de tous les discours - creux - sur l’inclusion, elle affirme que “la plupart des dirigeants français pensent qu’ils n’ont pas le droit de compter les personnes issues des minorités qui travaillent dans leur entreprise”.
Une bonne fois pour toutes. C’est faux !
Il est tout à fait possible de le faire avec le consentement des salariés et en respectant leur anonymat. Un peu avant, je vous ai parlé de l’exemple d’OpenClassRoom.
Fanny Picard, pionnière de la finance responsable ajoute : “Il me semble nécessaire de le faire pour permettre un changement systémique sur les enjeux diversité et inclusion”. Lors du Sommet de l’Inclusion de Mozaïk RH, elle a annoncé que son troisième fonds en cours de levée liera la rémunération des dirigeants des entreprises dans lesquelles elle investit au respect d’une clause appelée “Diversité et inclusion”, qu’elle a contribué à rédiger.
🟣 3 questions à Majid El Jarroudi, délégué général de l’Agence pour la diversité entrepreneuriale (Adive).
Son association soutient les entrepreneurs des quartiers prioritaires et les mets en relation avec des grands groupes.
Vous êtes sur le terrain depuis de nombreuses années, est-ce difficile de sensibiliser les entreprises ?
Majid El Jarroudi (MAJ) "Il existe de nombreuses initiatives qui font le lien entre les entrepreneurs issus de la diversité et les entreprises. Cependant, malgré toute la bonne volonté, il y a une réelle résistance de la part des entreprises et du monde des affaires. À l'heure actuelle, tout le monde sait que l'impact réel est d'ordre économique, et les entrepreneurs ont besoin d'établir des relations solides avec les grandes entreprises pour faire grandir leur activité !”.
Mais pourquoi y a-t-il autant de résistance ?
MAJ : “Malheureusement, aujourd'hui, tous les acteurs n'ont pas le même niveau de maturité. Ce qui est parfois vraiment frustrant, c'est de voir des entreprises françaises mettre en place des programmes d'achat inclusifs à l'étranger et refuser de le faire en France. Résultat des courses, le manque de contraintes légales et le manque de considération pèsent lourdement sur la survie des entrepreneurs issus des minorités ethniques. Pour comparaison, le taux de survie de ces entrepreneurs est seulement de 30% à 5 ans, contre une moyenne de 50%. Peu importe la qualité de leurs produits, si personne ne les achète, c'est un vrai problème."
Quelles sont les actions de l’Adive pour les aider ?
MAJ : "Notre mission consiste à faciliter la mise en relation entre les entrepreneurs issus de la diversité et les entreprises, pour les aider à saisir des opportunités commerciales. Par exemple, récemment, nous avons mis en place un programme de mécénat de compétences en collaboration avec Nike. L'idée est de créer un premier lien entre l'entreprise et les entrepreneurs, afin de leur expliquer les attentes et les valeurs de la structure. Ensuite, ils deviennent des partenaires privilégiés de Nike, et cela se traduit par des opportunités business concrètes."
💜 Des choses que je recommande
À glisser dans vos oreilles. Ce podcast de Radio France intitulé Discriminations : la France des paradoxes avec Louis Maurin Fondateur et directeur de l'Observatoire des Inégalités et du Centre d’observation de la société.
Lunaire. Vu sur le Figaro, mercredi, lors du DealBook Summit à New York, Bob Iger, le PDG de Disney, a exprimé de manière directe son point de vue. « Les créateurs ont perdu de vue ce que devait être leur objectif n°1. Nous devons d'abord divertir. Il ne s'agit pas d'envoyer des messages », a-t-il souligné. Selon Disney, en voulant trop adopter le multiculturalisme et en multipliant les séries et films dérivés de ses grandes franchises au détriment de la qualité, l'entreprise a pris une direction erronée.
Le télétravail comme remède aux micro-agressions. Alors que les employeurs à l'échelle nationale insistent pour que leurs employés retournent au bureau, une enquête menée par le cabinet d'études Future Forum auprès de plus de 10 000 travailleurs a révélé que seulement 3 % des employés noirs en col blanc souhaitent retourner au travail à temps plein au bureau, contre 21 % des travailleurs blancs.
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